Nathalie Sergueiew est née à Saint-Petersbourg en 1912. Ses parents
émigrent à Paris peu après les événements
de 1917.
Elle tente un premier projet à 21 ans, Paris-Varsovie à
pied, via Berlin: cette ville, et le régime qui se met en place -nous sommes en 1933- la fascine. Quelques
années plus tard, elle parcourt les capitales européennes sur son vélo
Pomédor 1er. A cette époque, elle est (ou tente
de devenir) journaliste: elle interviewe notamment Goering. Enfin, elle
commence Paris-Saïgon toujours à vélo (Tott’38)
mais elle doit renoncer à Alep (Syrie), coincée par la déclaration
de guerre franco-allemande (septembre 1939), et rentre sur Paris en Novembre
1940. D’abord désemparée
après la défaite, elle décide d’essayer de
servir au mieux son pays. A Paris, elle rentre en contact dès janvier
1941 avec Félix Dassel, un des recruteurs de l’espionnage
allemand, qu’elle a connu au cours de son Paris-Varsovie, et commence
son apprentissage d’espionne sous la houlette de l’officier
autrichien Emile Kliemann.
Après plusieurs faux départs, elle est envoyée en Octobre 1943 en mission à Londres via Madrid et Gibraltar, sous prétexte de rendre visite à une de ses cousines. Mais à Madrid, elle rentre à l’insu des allemands en contact avec le consulat anglais, et se met au service de l’Intelligence service (MI5)-son nom de code sera "Treasure"-. Son travail consistera dès lors à distiller de fausses informations à Kliemann tout en gardant sa confiance, sous la direction de Mary Sherer et du Lt-Col Robertson de l’IS. Les allemands ne la soupçonneront jamais, contribuant notamment au succès de l’opération Fortitude, visant à faire croire aux allemands que le débarquement aura lieu dans le Pas-de-Calais, opération qui rencontra un succès inespéré et primordial.
Mais ses relations avec les anglais en général et l’IS
en particulier furent souvent houleuses, reprochant en particulier à
ces derniers la mort de son chien Babs (!).
De plus, souvent malade, elle
apprend après radiographies qu ‘elle est gravement atteinte
(calculs rénaux), et en a au plus pour un an à vivre. Elle
craque , menaçant l’IS de ne pas dévoiler le «
security check » (astuce typographique qui permettait de signaler
aux allemands - lors de l’envoi de ses messages en morse- qu’elle
n’écrivait pas sous contrainte anglaise), et apparemment,
d’après les archives de l’IS ouvertes en 2001, fait
preuve d’indiscrétions au sujet du débarquement.
Elle finit par être mise à pied et s’engage comme secouriste
dans l’armée française. Elle se marie à un
officier américain rencontré à Londres et meurt aux
Etats-Unis en 1950.
Pour rajouter une pincée de mystère dans ce récit, notons qu'un de ses oncles n'est autre que le général Miller, successeur en 1930 du général Koutiepoff à la tête de l"Association des Anciens Combattants russes", qui regroupe les russes blancs de France , et qui disparait en 1937 à Paris dans des circonstances mystérieuses, sans doute assassiné par le NKVD. Le détail est intéressant, car elle peut expliquer la confiance sans faille -au premier abord surprenante - des allemands vis à vis de l'espionne amateur Nathalie Sergueiew, dont son passé est un garant de fidélité aux yeux des allemands qui se considèrent comme les champions de l'anti-communisme.Le général Koutiepoff avait disparu dans des conditions similaires en 1930. Koutiepoff et Miller furent des proches du fameux général Wrangel, chef d'une armée blanche qui s'est battue jusqu'en 1920 contre les communistes de Lenine.